Et un, et deux,
jusqu’à 100.
C’est beaucoup, il faudra regarder par derrière, car pendant que la face s’occupe à sourire, derrière déjà des corps s’accumulent. Il faut plaindre le premier corps qui sera à terre, il inaugure une suite de chutes vertigineuses, toutes plus belles les unes que les autres.
Cela en silence.
Un amas de corps, là, dans le fond,
il faut observer maintenant le regard de celui qui est au devant.
Pas si sûr qu’il sourie encore.
Ou alors, c’est pour faire bonne figure
pour rester debout, juste parce qu’il sera le dernier.
Mais à quel prix.
Création 2013-14
Note d’intention
Se concentrer sur la danse, trouver les articulations pour décrire un état. Décrire ensuite cet état à l’intérieur d’un espace. Et si cet espace se modulait, ondulait, bougeait, il faudrait être en mesure de s’adapter. Cela devrait induire pas mal de contorsions, de pliures et des chutes.
Imaginez une personne debout et au fond, au loin, une accumulation de corps, peut-être 30. Un par un, à un rythme plus ou moins lent, comme un événement qui n’en finirait pas de finir.
De grands silences puis des lignes de basses, en alternance, en renfort.
Et quelque chose qui déborde, comme une accumulation dans un endroit trop petit, cela va tordre les corps, à ne pas douter.
Et puis, se serait dire l’importance des choix, et des lignes de fuites qui se font de plus en plus précises, comme si nous n’avions plus qu’une seule alternative. Sans savoir exactement laquelle, mais la question méritera d’être posée.
Description
Cette création est un parcours : une première résidence pour la création du solo au CDC le Pacifique (Grenoble), puis une première approche du travail sur le groupe avec une quarantaine de personnes réunies grâce au CCN de Gallotta (Grenoble), ont permis de finaliser l’écriture avec une résidence au Scarabée (les Hauts-de-Chambéry) avec un nouveau groupe de 30 personnes et une représentation publique au mois de mai 2014.
Après ce travail, le projet #6 se démultiplie et propose cette performance pour une centaine de personnes. La transmission du geste et de la chorégraphie sera assurée par les trente derniers amateurs.
Cette fois le danseur fera face, seul, à 100 personnes.
Autant de corps qui restructurent, déforment, plient l’espace. Autant de corps pour disséquer les relations humaines, les faire résonner autrement.
#6 pousse le paroxysme de la dualité entre l’individu et l’autre, les autres. Il s’agit pour Philippe Vuillermet de travailler ici une approche en terme de volume et de l’installer sur la scène en soulignant cette volonté par une approche graphique, comme pour dilater encore ces volumes, les masses, et les mettre face la réalité crue de l‘infinie solitude, dans son essence même. Retrouver un rapport direct aux choses et aux êtres.
Habiller l’espace avec les corps, dilatés à l’extrême, réduire l’espace autour de ces corps et inventer une sorte de dialogue improbable.
Projeter la lumière pour donner l’impression presque tactile que l’espace mis en place est palpable, qu’il a sa propre densité. Se servir d’une expression graphique, pour construire l’immatériel…
#6 pourrait apparaître comme une performance. Elle se veut en tout cas un manifeste pour la danse, dans une ouverture aux codes contemporains dans tout le questionnement sur la transformation du corps. Rappeler autrement que le mouvement peut être riche s’il porte en lui une ambivalence et c’est justement ce choix que Philippe Vuillermet pousse à son paroxysme : interroger les frontières, repousser les évidences, rester dans la ligne de faille.
S’adresser au ressenti que suscitent ces corps, et laisser le spectateur se réapproprier une histoire qu’il peut écrire lui-même, sans tricherie, sans ligne directrice, en puisant au niveau du ressenti, des émotions primitives, de la violence propre à chacun. Le spectateur est lui-même placé dans sa ligne de faille…
Ce projet accueillera pour la 3e fois, Alex Norgate, beat boxer, pour la création sonore. Cette fois, le travail se portera autour de la parole (des paroles retravaillées, remâchées, le tout passé par une boîte à rythme…). Produire un son à partir d’un mot, dévié, répété, déformé… arriver à une musicalité grotesque, minimaliste, qui trouve son essence dans la répétition et le rythme.